vendredi 12 septembre 2014

L'artiste du jour : Gilles CHAMBON


En ce début de XXIeme siècle, la disjonction entre peinture et art contemporain paraît 
définitivement consommée. L’art contemporain, qui joue toujours sur la transgression des 
limites, n’utilise plus que de façon très accessoire le médium que constitue la peinture, tableau 
ou fresque. Il se développe comme une culture hors sol : ses installations, vidéos, et 
performances, faute de pouvoir plonger leurs radicelles dans le riche substrat de l’imaginaire 
pictural du passé, les laissent flotter au gré des ondes de la mode, se raccrochant ici où là, 
pour mieux se nourrir, aux concepts évanescents qui flottent dans l’air du temps. On peut bien 
sûr aimer et défendre cet art à la dérive - ce que font la plupart des critiques spécialisés - mais 
on a aussi le droit de s’en défier et d’espérer un réenracinement, une re-naturalisation (nature 
humaine) de l’art, un réenchantement poétique de la création plastique, dans lequel les 
peintres devraient alors jouer un rôle de premier plan. Mais aujourd’hui, si la peinture n’est 
pas entraînée dans la dérive de l’art contemporain, elle n’en est pas pour autant en bonne 
santé : les artistes qui lui sont restés fidèles – et ils sont légion, peinent à trouver des repères 
solides. Le foisonnement tous azimuts de leurs expressions idiosyncrasiques ne parvient pas à 
masquer le grand vide sémantique que le monde contemporain tente de conjurer en 
multipliant les expositions.
Nos sociétés mondialisées, avec leurs les mégalopoles qui ressemblent à des tours de Babel, 
sont soumises à une profusion d’images, jusqu’à l’indigestion. Trop d’images tuent l’image. 
Et comme aux temps bibliques du roi Nemrod, où personne ne comprenait plus personne, les 
langages plastiques de la peinture se sont multipliés confusément depuis cinquante ans, et les 
artistes ont oublié toute langue de vérité. Depuis, la création picturale est devenue une vaste et 
assourdissante cacophonie. Chaque Salon d’art vrombit comme une ruche du mouvement 
brownien de créateurs désorientés, incapables de communiquer au-delà des quelques cercles 
de supporters qui les entourent. Les temps héroïques de la grande peinture qui émerveillait 
souverains collectionneurs et intellectuels eux-mêmes artistes, sont révolus. Révolu aussi le 
temps des mouvements picturaux d’avant-garde, ceux qui ont marqué la fin du XIXe siècle et 
le début du XXe, bouillonnant au rythme des révolutions de la pensée et de la poésie 
modernes. Il a cédé la place au temps des contorsions, des postures que tentent de prendre les 3
artistes pour se faire remarquer des médias, des critiques, ou d’une clientèle devenue trop 
rare.
Nos sociétés mondialisées, avec leurs les mégalopoles qui ressemblent à des tours de Babel, 
sont soumises à une profusion d’images, jusqu’à l’indigestion. Trop d’images tuent l’image. 
Et comme aux temps bibliques du roi Nemrod, où personne ne comprenait plus personne, les 
langages plastiques de la peinture se sont multipliés confusément depuis cinquante ans, et les 
artistes ont oublié toute langue de vérité. Depuis, la création picturale est devenue une vaste et 
assourdissante cacophonie. Chaque Salon d’art vrombit comme une ruche du mouvement 
brownien de créateurs désorientés, incapables de communiquer au-delà des quelques cercles 
de supporters qui les entourent. Les temps héroïques de la grande peinture qui émerveillait 
souverains collectionneurs et intellectuels eux-mêmes artistes, sont révolus. Révolu aussi le 
temps des mouvements picturaux d’avant-garde, ceux qui ont marqué la fin du XIXe siècle et 
le début du XXe, bouillonnant au rythme des révolutions de la pensée et de la poésie 
modernes. Il a cédé la place au temps des contorsions, des postures que tentent de prendre les 3
artistes pour se faire remarquer des médias, des critiques, ou d’une clientèle devenue trop 
rare.
La dynamique de la machine poétique humaine est assez difficile à saisir. Tout se passe en 
peinture comme s’il existait des méridiens secrets, une carte invisible des convergences 
d’énergies imaginales, dont il serait nécessaire de suivre les reliefs naturels, les courants, pour 
avancer de façon efficace, à l’instar des navigateurs qui doivent s’appuyer sur les vents, ou 
des sondes spatiales qui ont besoin de profiter de l’attraction des planètes pour s’élancer vers 
des espaces cosmiques plus vastes. 
La force du créateur d’aujourd’hui - dont la véritable spécificité est qu’il lui est enfin possible, 
grâce à Internet, d’avoir un accès quasi immédiat à l’ensemble des œuvres du passé sauvées 
de l’oubli - cette force est peut-être simplement sa capacité à saisir, sélectionner et agencer 4
selon son art, les images (ou autres signaux) émis par ses prédécesseurs. S’il respecte les 
méridiens secrets, l’assemblage produira alors certainement un choc poétique et sémantique, 
de nature inédite et imprévisible. 
C’est cela, la peinture synchronistique. 
La synchronicité est un concept forgé par Carl Gustav Jung. Il avait fait l’hypothèse qu’une 
signification insolite et profonde pouvait surgir spontanément de configurations particulières 
d’événements se présentant à nous, sans que cette signification soit d’aucune façon liée à un 
enchaînement de causalités (évènements dus au hasard, convergence de phénomènes 
dépourvus de toute logique temporelle). Il avait nommé cela la synchronicité. 
La peinture synchronistique se propose donc de réensemencer notre imaginaire pictural 
ramolli par un demi-siècle d’errance, en faisant coexister en une association nouvelle et 
mystérieusement signifiante, des fragments ou des réminiscences de peintures plus ou moins 
connues de l'histoire de l'art, avec parfois des styles et des périodes historiques très éloignés. 
C’est ainsi qu’en s’appuyant sur les béquilles que leur prêteront les grands maîtres du passé, 
les peintres synchronistiques sortiront leur art de l’ornière où il s’était enlisé. Le public 
s’étonnera de ces rapprochements et de ces mises en scène picturales produisant un sens 
nouveau et une prégnance esthétique inattendue.
En renouant avec l'histoire de la peinture et en rendant hommage aux artistes qui l'ont 
marquée, la démarche synchronistique introduira aussi en peinture une dimension qui était 
jusqu’à présent plutôt associée à la musique : celle de l’interprétation. Il ne s’agit pas de la 
simple copie, pratiquée jadis par les plus humbles peintres comme par les plus grands 
maîtres ; mais d’une relecture, d’une recomposition, plus en phase avec la créativité et 
l'imaginaire contemporains. 
Mes premiers travaux synchronistiques ont été commencés cette année. Ils se sont appuyés 
sur des œuvres cubistes, parce que le cubisme a été à mon sens la plus grande révolution dans 
le domaine de l’espace pictural : il l’a libéré du continuum de la représentation spatiale, et de 
la fidélité aux figures, qui étaient depuis l’antiquité les deux piliers de la peinture. En faisant 
cela, il a ouvert la représentation picturale à une esthétique rythmique autonome, de type 
musical, et distanciée volontairement de la représentation du réel. Cette beauté musicale 5
incontestable des œuvres cubistes avait cependant une faille : la diffraction géométrique 
systématique des figures à laquelle les peintres cubistes se livraient rendait celles-ci moins 
actives, leur ôtait la force onirique et sentimentale pourtant si importante pour 
l’accomplissement total de la magie picturale. 
Mon travail synchronistique fait donc le pari de jouer sur les deux tableaux, de profiter de la 
musicalité spatiale cubiste, et également de la prégnance onirique des œuvres antérieures de 
l’histoire de la peinture. Il associe la logique esthétique et la poésie distanciées du réel, avec la 
prégnance de figures hypersuggestives, propres à la tradition picturale des maîtres du passé.
Cette nouvelle association musicalité / théâtralité en peinture peut être comparée à celle que 
produisent l’opéra et la comédie musicale dans le domaine du spectacle. 
Gilles CHAMBON

Gilles CHAMBON expose à la Galerie Art'et Miss jusqu'au 21 septembre.

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